Thursday, December 29, 2016

Le monde de Sophie - Le Baroque

La jeune fille à la perle du peintre néerlandais baroque Johannes Vermeer

Le terme « baroque » vient d'un mot portugais qui signifie une « perle irrégulière ». Elle désigne en fait l’époque du XVIIe siècle.

A. Les caractéristiques

La vie
Tout comme durant l’époque de la Renaissance, on assiste à une glorification de la vie, mais en même temps on assiste à une négation de la vie et à l’incitation des monastères à se retirer du monde. Le baroque était caractérisé par la vanité. Mais, parallèlement, beaucoup étaient obsédés par le caractère éphémère de la vie. C'est-à-dire que toute la beauté est condamnée à disparaître un jour.

La politique
Le baroque a connu de grands conflits entre les protestants et les catholiques. Mais qui avaient effectivement un arrière-plan politique. En Europe, plusieurs guerres se sont déclenchées. La plus dure d’entre elles était la guerre de Trente Ans qui a dévasté des régions entières de 1618 à 1648. Suite à ces guerres, la France est devenue la première puissance européenne.

Le théâtre
La phrase la plus fameuse de l’époque était « la vie est un théâtre ». Le théâtre moderne était créé avec ses coulisses et sa machinerie. En fait, le théâtre représentait la vie humaine, donnait une image impitoyable de la condition misérable de l'homme ainsi que l'orgueil qui se retourne contre son héros. Shakespeare avait écris ses plus grands drames autour de 1600. L'idée que la vie est un théâtre se retrouve dans toute son œuvre. Dans la comédie « As you like it » (Comme il vous plaira), il écrit : Le monde entier est une scène, Hommes et femmes, tous, n'y sont que des acteurs, Chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties, Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles.

La littérature
Les poètes baroques comparaient la vie à un rêve :
  • Le poète espagnol Calderôn de la Barca, qui naquit en 1600, a écrit une pièce intitulée « La vie est un songe » où il dit : « Qu'est-ce que la vie? Une folie. Qu'est-ce que la vie? Une illusion, une ombre, une fiction et le bien suprême a peu de valeur car la vie tout entière n'est qu'un rêve... »
  • Ludwig Holberg, en Scandinavie, est une grande figure de la littérature, à cheval entre le baroque et le siècle des Lumières, dans la pièce « Jeppe sur la montagne », a écrit : « Jeppe s'endort dans une grotte... et se réveille dans le lit du baron. Il s'imagine alors qu'il a seulement rêvé qu'il était un pauvre paysan vagabond. On le transporte endormi dans sa grotte et il se réveille à nouveau. Et là il croit qu'il a rêvé avoir dormi dans le lit du baron. ».

La philosophie
Cette époque était marquée par la coexistence de deux différents modes de pensée qui sont l'idéalisme et le matérialisme :
  • Le philosophe anglais Thomas Hobbes était un matérialiste selon lequel tous les phénomènes, ainsi que les hommes ou les animaux, étaient constitués exclusivement de particules de matière. Même la conscience de l'homme ou l'âme de l'homme était due aux mouvements de minuscules particules dans le cerveau.
  • Newton avait expliqué que les mêmes lois physiques comme la pesanteur et le mouvement des corps s'appliquaient en tout point de l'univers. Le monde entier est régi par la même mécanique qui obéit à des principes inviolables. Newton a donné la dernière touche à ce que l'on appelle l’image mécanique du monde.
  • Le médecin et philosophe français La Mettrie écrivit vers le milieu du XVIIIe siècle un livre intitulé « L'Homme machine » où il disait que tout comme la jambe possède des muscles pour marcher, le cerveau a des « muscles » pour penser.
  • Le mathématicien français Laplace disait : « Si une intelligence avait connu la situation de toutes les particules de matière à un moment donné, rien ne serait incertain et le passé comme l'avenir s'offriraient à ses yeux ». L'idée est que tout ce qui se passe est décidé à l'avance : « Les jeux sont faits. ». Cette conception du monde s'appelle le déterminisme. Ainsi, tout n'est que le résultat de processus mécaniques, même nos pensées et nos rêves.
  • Leibniz, un grand philosophe du XVIIe siècle, fit remarquer que la différence entre la matière et l'esprit est que : le matériel peut se décomposer à l'infini alors qu'on ne peut couper une âme en deux.
Cependant, ni Hobbes ni Newton ne voyaient de contradiction entre l'image mécanique du monde et leur foi en Dieu. Cela est vrai pour tous les matérialistes des XVIIe et XVIIIe siècles.


B. Les rationalistes

Les deux plus grands philosophes du XVIIe siècle étaient Descartes et Spinoza. Ils étaient des rationalistes.

Descartes
Cogito ergo sum
« Je pense, donc je suis. »

René Descartes est née en 1596 en France et a voyagé à travers toute l'Europe. Tout comme Socrate, il a passé sa vie à s'entretenir avec ses concitoyens. Il voulait chercher une connaissance qu'il trouverait soit en lui-même soit dans « Le grand livre du monde ». Pour cela, il a rejoint l'armée et a séjourné dans diverses villes du centre de l'Europe. Il a vécu quelques années à Paris, puis il est parti en 1629 pour la Hollande où il a travaillé presque vingt années à ses écrits philosophiques. En 1649, il a été invité en Suède par la reine Christine où il est décédé en 1650 à cause d’une pneumonie. Descartes, tout comme Socrate, Platon et Saint Augustin était un rationaliste. Pour lui, la raison était le seul fondement sûr de la connaissance. Descartes a exercé une influence déterminante pour la philosophie. Il était le premier à construire un véritable système philosophique, comme l’ont fait par la suite Spinoza, Locke, Berkeley, Hume et Kant. Son ultime but était de parvenir à des connaissances sûres au sujet de la nature de l'homme et de l'univers. Cependant, les études de philosophie qu'il avait suivies ont fini de le convaincre de sa parfaite ignorance.

Pensée
Détails – Extraits du livre
Descartes cherchait à atteindre la connaissance par des idées claires et distinctes. En effet, il voulait trouver une méthode exacte et fiable concernant la réflexion philosophique tout comme la nouvelle science de la nature avait une méthode qui permettait de rendre compte des phénomènes naturels avec une grande exactitude.
- Dans le Discours de la méthode, Descartes pose le problème de la méthode philosophique à suivre pour résoudre un problème d'ordre philosophique. Il voulait appliquer une « méthode mathématique » pour prouver la vérité de certaines idées philosophiques comme s'il s'agissait de démontrer un théorème mathématique.
- Pour trouver la vérité quant à la nature de l'existence, il commence par douter de tout. Descartes voulait partir de zéro et ce doute fondamental était sa première et unique certitude.
- Ainsi, s'il doute, il doit aussi être sûr qu'il pense, et s'il pense, il doit donc être un être pensant. Descartes comprend que ce « je » pensant est plus réel que le monde matériel perçu par nos sens.
Nous avons une idée d'un être parfait et que cet être doit exister puisque nous l'imaginons.
- En effet, cet être ne serait pas parfait s'il n'existait pas. Nous ne saurions en outre imaginer un tel être s'il n'existait pas, puisque nous sommes imparfaits et incapables de concevoir l'idée de la perfection.
- Cela est pour Descartes aussi vrai que dans l'idée du cercle le fait que tous les points de la circonférence sont à équidistance du centre. Tu ne peux pas parler d'un cercle si cette condition n'est pas remplie. De la même façon, tu ne peux pas parler de l'être parfait s'il lui manque la plus importante de toutes les qualités, à savoir l'existence.
- Selon Descartes, l'idée de Dieu est innée, elle est inscrite dans notre nature « comme un tableau porte la signature de l'artiste ».
- Comme Socrate et Platon, il estimait qu'il y avait un lien entre la pensée et l'existence. Plus quelque chose est éclairant pour la pensée, plus on est sûr de son existence.
La réalité extérieure possède des qualités reconnues avec la raison.
- Il s'agit des rapports mathématiques, c'est-à-dire ce qu'on peut mesurer en longueur, largeur et profondeur. Ces qualités d'ordre « quantitatif » sont aussi claires et distinctes pour la raison que le fait d'être un sujet pensant. La nature n'est donc pas un rêve.
- En revanche, les attributs d'ordre « qualitatif » tels que la couleur, l'odeur et le goût sont liés à notre appareil sensoriel et ne décrivent pas au fond la réalité extérieure.
Descartes est dualiste, c'est-à-dire qu'il distingue radicalement la réalité spirituelle de la réalité matérielle. En effet, Descartes affirme qu'il existe deux différentes formes de réalité ou deux « substances ». La première substance est la pensée ou l'« âme », l'autre est l'étendue ou la « matière ».
- L'âme est consciente d'elle-même, elle ne prend pas de place et ne peut par conséquent pas se diviser en plus petites parties.
- La matière au contraire s'étend, elle occupe une place dans l'espace et peut indéfiniment se subdiviser, mais elle n'est pas consciente d'elle-même.
- Selon Descartes, ces deux substances découlent de Dieu, car seul Dieu existe de manière indépendante. Cela dit, ces deux substances sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre. La pensée est entièrement libre par rapport à la matière et inversement : les processus matériels peuvent se produire indépendamment de la pensée.
Seul l'homme a une âme ; les animaux appartiennent à la réalité matérielle puisque leur vie et leurs mouvements sont soumis à des lois mécaniques. Descartes considérait les animaux comme des sortes d'automates perfectionnés.
- Descartes trouvait que le corps de l'homme était une mécanique sophistiquée, tandis que son âme pouvait vivre indépendamment du corps. Les phénomènes corporels ne jouissent pas d'une telle liberté, ils suivent leurs propres lois.
- Ce que nous pensons avec notre raison n'a pas d'incidence sur le corps, mais sur l'âme affranchie des contraintes spatiales. Aussi longtemps que l'âme habite un corps, elle est liée à lui grâce à une glande spéciale dans le cerveau. Le but est de laisser la raison diriger le jeu.
- Nos jambes finissent par ne plus pouvoir nous porter, notre dos s'arrondit et nous perdons nos dents sans pour autant que 2+2 cessent de faire 4 et cela aussi longtemps que nous serons doués de raison. Car la raison ne peut vieillir et s'avachir comme notre corps. Pour Descartes, la raison elle-même est l'« âme ».


Spinoza

Baruch Spinoza est un philosophe hollandais qui est né le 1632 et est décédé en 1677. Il appartenait à la communauté juive d'Amsterdam, mais a été constamment insulté et poursuivi et il a été l'objet d'une tentative de meurtre parce qu’il critiquait la religion. Il était le premier à adopter une perspective de « critique historique » à propos de la Bible. Selon lui, il y a une série de contradictions entre les différents textes dans le Nouveau Testament. Par exemple, on trouve que Jésus que l'on peut appeler le porte-parole de Dieu invitait justement à se détacher d'un judaïsme devenu borné et limité. Mais en même temps, le christianisme lui aussi s'enferra rapidement dans des dogmes rigides et des rituels dénués de sens. A cause de cela, Spinoza a été rejeté par sa propre famille malgré qu’il encourage la liberté d'expression et la tolérance religieuse. Il a mené une vie retirée, entièrement consacrée à la philosophie. Son ouvrage majeur est intitulé « l'Éthique[1] démontrée suivant l'ordre géométrique ». Pour gagner sa vie, il taillait des verres optiques.

[1] Pour les philosophes, l'éthique est la doctrine des principes de la morale pour mener une vie heureuse.

Pensée
Détails – Extraits du livre
Il n'y a qu'une seule substance à l'origine de tout. C'est la Substance, ce qu'il appelle aussi Dieu ou la nature. Spinoza réfute la distinction que faisait Descartes entre deux substances : la pensée et l'étendue.
- Pour Descartes aussi, seul Dieu est à l'origine de lui-même. Ce n'est que lorsque Spinoza assimile Dieu à la nature ou la nature à Dieu qu’il s'éloigne de Descartes. Avec la Substance, Dieu ou la nature, il entend tout ce qui existe, même ce qui est d'ordre spirituel.
- Selon lui, il y a deux qualités ou formes d'apparitions de Dieu, à savoir les attributs de Dieu, qui sont la « pensée » et l'« étendue » que Descartes avait déterminées. Il se peut que Dieu ait infiniment plus d'attributs que ces deux-là, mais ce sont les seuls auxquels les hommes aient accès.
- Toutes les choses et les événements de notre vie quotidienne, que ce soit une fleur ou un poème sur cette même fleur, sont différents modes de la Pensée ou de l'Étendue. Une fleur est un mode de l'attribut de l'Étendue comme le poème sur cette même fleur est un mode de l'attribut de la Pensée. Ainsi chaque créature particulière apparaît-elle comme un mode de Dieu.
Dieu est la cause immanente de tout ce qui arrive. Il n'est pas une cause extérieure, car Dieu ne se manifeste que par ces lois naturelles.
- Dieu n'est pas un montreur de marionnettes qui tire sur les ficelles en décidant de ce qui va se passer. Au contraire, tout dans le monde se produit par nécessité. Spinoza avait une conception déterministe de la vie sur terre.
- Tout comme les stoïciens qui eux aussi avaient affirmé que tout se produisait dans le monde par nécessité. D'où l'importance de faire face aux événements en gardant un « calme stoïque ». Il ne fallait surtout pas se laisser emporter par ses émotions.
Seul Dieu ou la nature est capable de s'épanouir tout à fait librement. Un être humain peut lutter pour conquérir une liberté qui le délivre de contraintes extérieures, mais il ne jouira jamais d'une « libre volonté ».
Comment pourrions-nous décider de tout ce qui se passe dans notre corps, qui n'est lui-même qu'un mode de l'attribut de l'Étendue?
De la même façon, nous ne « choisissons » pas ce que nous pensons non plus.
L'homme n'a donc pas une « âme libre » qui serait prisonnière d'un corps mécanique.

A partir du XVIIIe siècle, la pensée rationaliste va être battue par ce qu'on a appelé l'Empirisme. Les principaux empiristes ou philosophes de l'expérience étaient les trois anglais Locke, Berkeley et Hume.

A suivre …


Rachida KHTIRA

Software Engineer at the Moroccan Ministry of Finance.
Interests: Reading, travel and social activities.