Monday, October 15, 2012

Soufi, mon amour - Analyse


Discussion

Dans ce roman, Elif Shafak nous emmène dans une quête de Soi dont l’amour est à la fois le chemin et la destination. L’ambiance chaleureuse du roman nous remplit de milles émotions et une. A travers le voyage mystérieux de Shams, les personnes qu’il rencontre et les âmes qu’il apaise, le lecteur voyage à son tour dans les profondeurs de son âme pour dévoiler ses secrets et embrasser ses mystères.  Ella par contre est le miroir du lecteur lui même qui, en même temps qu’elle, lit l’histoire et se laisse emporté par le charme et la sagesse des quarante règles de l’Amour.

Personnellement, j’avoue que certaines de ces règles étaient pour mon esprit, comme une pierre jetée dans un lac paisible. Elles m’ont poussé à méditer, à poser des questions et à chercher des réponses. Cela n’empêche que certains points de vue à mon avis sont extrémistes et nous éloignent de la religion de l’amour que l’écrivain veut nous la faire découvrir à travers les quarante règles de Shams. Ci-après je vais expliciter certains d’entre eux :

1. Le vin : Dans maintes reprises, l’auteur mentionne le vin:

La première fois c’est quand Shams ordonne le novice, qui veut l’accompagner dans son voyage, de boire du vin. Lorsque ce dernier refuse, Shams lui dit qu’il ne peut pas être son compagnon parce qu’il n’est pas obéissant et aussi parce qu’il donne beaucoup d’importance au regard des autres. D’ailleurs, ces deux sujets relèvent du soufisme :

Obéir à son maître : Un maître soufi a un pouvoir moral sur ses élèves qui doivent se laisser guider par ses conseils. Cependant, l’Islam est une religion de discussion et de conviction et non pas d’obéissance aveugle. D’ailleurs, plusieurs versets du Coran nous invitent à méditer et à poser des questions pour arriver à la vérité. D’après mes lectures, j’ai compris que l’obéissance qui est sollicitée par les vrais maîtres soufis désigne la modestie et la patience pour apprendre et non pas l’obéissance aveugle.

Se libérer de l’influence du regard des autres sur Soi : par placer soi même dans des situations embarrassantes vis-à-vis des autres. Cependant, dans l’Islam, l’éducation de Soi commence d’abord par appliquer les ordres de Dieu à travers la pratique des obligations prescrites dans le Saint coran ou du « Sunna » et s’éloigner des interdits. Il est clair que l’objectif sublime de l’éducation de Soi dans le soufisme est d’arriver à un niveau élevé dans l’amour de Dieu. Il serait logique alors de le faire d’abord par s’éloigner de ce que Dieu nous a interdit de faire comme boire, mendier, se faire du mal …

La deuxième fois que l’auteur mentionne le vin c’est quand Shams demande à Rûmi d’aller chercher du vin dans la taverne. Une fois ce dernier est revenu, Shams lui demande de le boire. Malgré sa confusion, Rûmi accepte de le faire. Shams lui enlève la tasse à la dernière minute et boit lui-même un peu avant de le verser par terre.  D’après l’histoire, on comprend parfaitement que Shams voulait que Rûmi  visite l’endroit le plus pourri de Konya pour rencontrer d’autres catégories des gens qui ont besoin de lui autant plus que ceux qui fréquentent les mosquées. Shams veut aussi que Rûmi se libère du regard des autres. En fréquentant cet endroit, sa réputation sera mise en cause. C’est un exercice pour défier son ego.

Cependant, le fait que Shams boit un peu de vin n’est pas du tout compréhensible. Il est vrai que parmi les faux soufis, il y avait des gens qui disaient que dans un niveau avancé de l’âme, un soufi peut ne pas appliquer les règles de la religion, parce que dans un tel niveau, on appartient à un autre monde qui n’obéit pas aux règles de ce monde. Ce qui est entièrement faux et les maîtres soufis honnêtes n’y croient pas. Dans  l’islam,  tous les musulmans sans exception doivent suivre les règles de la religion et personne ne peut affirmer quand il est arrivé ou non à un niveau supérieur. Le vin est ainsi interdit d’une manière absolue.


2. Islam, Charia et Soufisme : Dans le roman, on a l’impression que tous ceux qui croient à la « Charia »  sont ou bien des ignorants, des gens sévères ou même des gens qui ont un manque spirituel. Cette rupture entre Charia  et Soufisme n’est pas du tout réaliste. En effet, la religion musulmane repose sur trois piliers : L’Islam, l’Imân et l’Ihsân. On retrouve cette idée dans le hadith rapporté par Omar (RA). Les savants définissent ces trois couches comme étant des composantes d’un seul fruit : l’écorce correspond à l’Islam, la pulpe à l’Imân (degré de la foi) et enfin le noyau à l’Ihsân. On ne peut ainsi accéder au degré de l’Imân sans passer par celui de l’Islam, ni à celui de l’Ihsân sans celui de l’Imân

Le soufisme prétend s’intéresser au noyau ainsi que des moyens pour l’atteindre. Donc un soufi est avant tout un Musulman qui doit croire à tous les piliers de l’Islam et  les pratiquer dans sa vie. Pour lui, la méditation, l’éducation de soi et la purification de son âme passe d’abord par l’application des  obligations. Ceux qui ont cru pouvoir se dispenser de cette dernière ont été traités en infidèles au cours de l’histoire, y compris par la majorité des autres soufis. Il est vrai qu’aujourd’hui, le soufisme jouit d’un grand prestige auprès des non musulmans qui croient voir en lui une religion purement spirituelle, débarrassée de toute pratique et parfois même avec des pratiques qui n’ont aucune relation avec le vrai Islam. Cependant, la spiritualité dans l’Islam est fortement liée à la pratique des obligations et au respect des interdits.


3. Foi et prière : l’auteur mentionne une histoire qui se passe entre Moise et un  paysan. Ce dernier prie d’une manière incorrecte mais avec une grande foi. Le voyant un jour ainsi prier Moise lui apprend comment bien faire sa prière. Cependant, Dieu fait des reproches à Moise parce que le paysan est plus sincère dans sa façon de le faire.

Je doute fort de la crédibilité de l’histoire. Il est vrai que Dieu regarde d’abord dans nos cœurs mais nos actions doivent aussi refléter nos croyances. Dieu est parfait et aime la perfection, il nous apprend l’art de bien être mais aussi de bien vivre à travers la bonne pratique de la religion. De plus, le soufisme est basé sur ce qu’on appelle « Ihsân » c'est-à-dire la perfection. Etant donné que la prière est l’une des piliers de l’Islam, un musulman est appelé à le faire correctement. La perfection concerne nos croyances, notre état d’âme mais aussi nos pratiques.


Évaluation

Plusieurs sujets intéressants restent à discuter car c’est un roman riche en informations historiques, psychologiques et religieuses. A présent, je me contente des points cités ci-dessus laissant aux lecteurs le soin de découvrir eux-mêmes d’autres selon leurs convictions et leurs croyances. 

Je note le roman « 5/5 » parce que malgré plusieurs réservations que je porte sur le soufisme historique et actuel en général et sur certaines idées dans le roman en particulier, je considère que c’est un roman qui fait bouger l’eau stagnante. Personnellement, Il a suscité ma curiosité sur pas mal de sujets et m’a poussé à fouiller dans l’histoire du soufisme, qui malgré tous les controverses qu’il a suscitées au cours de l’histoire et les suscite encore actuellement, il constitue une grande partie de l’histoire de l’Islam que nous devrions bien connaître.



Rachida KHTIRA

Software engineer at the Moroccan Ministry of Finance.
Interests: Reading, travel and social activities.